Covid-19 et maintenant où en sommes-nous ?
Les vagues se succèdent, faisant de la crise sanitaire une mer déchaînée. Alors, nous vivons dans la peur et l’anxiété d’une 3èmevague.
Si le nombre de cas et de décès nous atterrent, pour bon nombre d’acteurs de la santé mentale, la certitude qui s’impose, c’est que malheureusement, la prochaine vague sera « une catastrophe psychologique »*.
Covid 19 Le temps de la sidération
Nous avons tous été stoppés dans le courant de notre vie « normale ». Quel que soit le métier, nous vivons un état de stress majeur qui s’installe et perdure. En effet, tout le monde subit de plein fouet cette crise qui en devient existentielle :
- – Ainsi, les salariés exposés physiquement au danger du fait de leur activité – agent de sécurité, aide-soignant, agent de caisse…
- – Mais aussi les professionnels impactés par les mesures consécutives à l’état d’urgence sanitaire – petit commerçant, profession libérale, managers ou non,
- – Sans oublier ceux qui sont en télétravail à 100% obligés de conjuguer vie professionnelle et personnelle dans un même lieu,
- – Et nos jeunes quel que soit leur âge et leur statut : entrée et fin d’études, en recherche pour décrocher un 1er job, un stage…
Ce que l’on tenait pour acquis dans notre partie du monde – pays du G20, à l’abri de grandes catastrophes et/ou en capacité d’y faire face, semble avoir été balayé par ce virus-typhon qui a fait effraction dans nos vies il y a moins de 1 an.
Covid 19 Le temps de la frustration
«J’en peux plus ! », « on en a assez ! », « y en a marre de cette situation ! » « On se moque de nous ! » Qui n’a pas entendu ces phrases ? Qui ne les a pas prononcées ?
Il nous faut apprendre à vivre ce que nous avions conçu comme insupportable : les déplacements contraints, la limitation de nos choix, l’amputation de notre liberté d’agir, l’angoisse de l’avenir.
Car cet à venir ressemble davantage à un vide abyssal qu’à un vide source de création des possibles et c’est de là que naît la frustration. La frustration, c’est « je ne vis pas ce que j’aurais dû vivre » tel que je l’avais imaginé ou tel que cela se fait, habituellement.
De ma petite lucarne de médecin généraliste, je vois des personnes déboussolées car elles ne savent pas quoi faire de ce temps imposé.
« D’habitude quand j’ai du temps, j’en fais ce que je veux. Et là, je peux pas. Mais à quoi ça sert de vivre comme ça, alors ? »
Nous semblons être devenus – sous le coup d’un mauvais sort, incapables de borner le temps, et d’aller de l’avant, voire incapables tout simplement, de nous diriger dans quelque direction que ce soit, incapables de trouver un sens.
Et c’est bien de cela dont il s’agit : c’est l’incertitude qui apparaît comme le seul élément tangible. Elle nous confronte au réel, laissant sur le bas de la route notre espoir en des « lendemains qui chantent ».
Covid 19 Et maintenant que vais-je faire… de tout ce temps?
Et si cette structuration psychique qui nous permet de définir un immédiat, un moyen et un long terme, nous rassurait facticement ?
C’est certes le gage d’une bonne santé psychique, dans le sens d’un bon fonctionnement cognitif intégrant la capacité imaginative. Cela entretient l’illusion que l’on « maîtrise » l’à venir, que l’on peut gérer ce qui est consubstantiel à la vie, c’est-à-dire l’incertain.
Osons !
Posons l’hypothèse que cette capacité à nous projeter au-delà de notre ici et maintenant, bien loin de nous sécuriser, serait le terreau de notre souffrance psychique et contribuait donc à entretenir notre malaise.
En effet, aucun moment ne ressemble à aucun autre. Le temps est-il long, sans fin, ou s’écoule-t-il, tout simplement, inexorablement, seconde après seconde ?
« Le temps est seulement ce qui permet qu’il y ait des durées. Il crée la continuité dans l’ensemble des instants(…) Le temps est précisément…cette machine à produire en permanence de nouveaux instants(…) par lequel le futur devient d’abord présent, puis passé » Etienne KLEIN.
Vivre chaque seconde, chaque instant, c’est se rendre compte que la durée est notre propre création. Vivre cette époque tumultueuse et de crise-s, nous invite à vivre pleinement chaque instant, ancrés dans nos corps.
En nous co-existent aussi bien la source de nos souffrances, insatisfactions, frustrations que les ferments de notre sécurité émotionnelle et de notre santé globale – physique, psychique, sociale.
Et si cette crise devenait une opportunité pour apprendre à vivre et se sentir vivre dans l’instant, simplement ?
Vivre. What else ?
Pour aller plus loin:
- GROZDANOVITCH D.,(2014). Petit éloge du temps comme il va. Gallimard, Paris.
- *KLEIN E., (2004). Les tactiques de Chronos. Flammarion, Paris.
- https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/grand-entretien-cette-crise-pourrait-devenir-une-catastrophe-psychologique-quelles-consequences-du-covid-19-et-du-confinement-sur-notre-sante-mentale_4184659.html
- https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/covid-19-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie
- https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/confines-deconfines-vivre-au-temps-de-lincertitude-avec-serge-hefez?actId=ebwp0YMB8s0XXev-swTWi6FWgZQt9biALyr5FYI13OpwutcY8lrmdd8SkIKwMoFh&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=623458#xtor=EPR-2-[LaLettre25112020]
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« Et maintenant que vais-je faire ? » est le titre d’une chanson composée et interprétée par Gilbert Bécaud en 1961.
** Phrase issue du film de Marcel Carné, « Hôtel du Nord », 1938.
Oui, tellement vrai! Ce moment est sidérant, on ne peut compter avec ses réflexes issus du passé, le moment présent est certainement la seule alternative.
Jusqu’à mars 2020, nous étions tous profondément persuadés de savoir de quoi « demain » serait fait, même ceux pour qui les lendemains seraient incertains. Cette crise nous démontre que l’image que nous avons de notre futur est le produit de notre passé, et que nous ne vivons quasiment jamais au présent.
Effectivement, comme cela a été écrit ci-dessus, et si cette immense crise planétaire pouvait constituer une opportunité pour nous recentrer vraiment enfin à nouveau sur le plus important ? Et si elle nous obligeait à puiser plus profond de nous-même, comme en spéléologie dans des grottes souterraines, pour aller y chercher et puiser ce que nous sommes vraiment, ce qui compte le plus pour nous, le « pour quoi » de notre vie, celui que nous souhaitons nous-même lui donner ?…
Il me semble que, effectivement, cette nouvelle façon de regarder les événements et le moment présent peut nous aider à leurs donner un sens et une utilité… Et du coup, plutôt que de subir et souffrir de cette situation, nous en « emparer à pleines mains » pour nous rendre les maîtres de notre vie, intérieure et, pourquoi pas, mieux dans le présent, plus satisfaits et heureux ?…Cette façon d’envisager les choses me semble moins contraignante et beaucoup plus comme une possibilité de nous libérer de la souffrance et du temps pour mieux pouvoir, qui sait, choisir ce que nous voulons vivre et pouvoir peut-être simplement mieux nous en donner les moyens ?…